À la rencontre de Kim Hardy

Kim
Kim

En 2017, je participe à la première cohorte féminine francophone du Programme de transition des vétérans (PTV). À l’époque, la formation dure dix jours et a lieu les fins de semaine. Une fois le processus terminé, un constat s’impose : ma vie ne sera plus jamais la même! Quelque chose a changé en moi…

Même si les conséquences de mon stress post-traumatique m’incitent plus que jamais à trouver des moyens pour guérir, je suis quand même excessivement réticente à m’embarquer dans une nouvelle démarche. Sur le chemin qui me mène à la première fin de semaine de formation du PTV, je sens la nervosité et l’anxiété m’envahir progressivement. Je songe même à rebrousser chemin. Il faut dire que comme je souffre déjà d’hypervigilance, y rajouter tout le stress lié à l’anticipation d’une formation dont je connais très peu d’éléments, c’est peut-être trop me demander!

« Une fois le processus terminé, un constat s’impose : ma vie ne sera plus jamais la même! »

Malgré tout, j’arrive finalement à destination. Nous sommes vendredi soir. Je rencontre les autres participantes, les deux paires aidantes et trois psychothérapeute. Le climat se veut détendu et amical. Les grades et les années de service n’existent plus. Puisque je sais déjà que je devrai sûrement m’ouvrir à toutes ces personnes, je tente d’être la plus transparente possible et d’aller à la rencontre des autres. Du moins en apparence, puisque les traumatismes que j’ai vécues ont fait de moi une personne souffrant d’un trouble dissociatif, une personne se détachant d’elle-même et de son environnement. Dans ces conditions, pas évident d’explorer ses émotions ou de partager ses souvenirs.

shattered glass black and white

Tout a basculé en 2013. Ou plus précisément, six mois après une mission d’urgence aux Philippines. À la suite d’un typhon, l’armée canadienne (l’Équipe d’intervention en cas de catastrophe – le DART) est dépêchée sur place pour appuyer l’effort d’aide humanitaire. Les conditions sont déplorables. L’environnement est hostile. Les incidents se multiplient. Les drames humains sont incalculables. Après 45 jours sur le terrain, l’épuisement physique et la détresse psychologique atteignent des sommets. Soudain, le cauchemar se produit, sans crier gare : durant une mission où je suis envoyée seule et en pleine nuit, une bande d’hommes armés me tendent une embuscade et tentent de m’enlever. Je réussis à m’échapper et à revenir à la base. Comment? Je ne sais pas. Je n’en garde aucun souvenir. Ma mémoire a tout effacé pour tenter d’éviter les séquelles traumatisantes, j’imagine?

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Je reviens au Canada. Pour un temps, le choc post-traumatique contribue à enjoliver les autres événements, à les rendre presque irréels, comme s’ils avaient été vécus par une autre personne. Mais au bout de six mois, c’est l’effondrement. Les cauchemars, les crises d’anxiété, l’agressivité se bousculent et empoisonnent ma vie et celles de mes proches.

« Être paire aidante, c’est aider des personnes qui ont vécu des choses comparables à moi, tout en continuant à mieux me comprendre. Je contribue ainsi à les sauver. »

Quatre ans plus tard, je fais ma première formation au sein du PTV. Ma vie change du tout au tout. Puis, j’ai la chance de faire une deuxième formation qui se passe tellement bien qu’on m’offre de devenir paire aidante. Ce que je suis depuis.

Si tu décides de faire carrière dans l’armée, c’est que tu es quelqu’un qui veut aider les autres. Si tu es comme moi et que tu choisis en plus le domaine médical dans l’armée, c’est que tu veux sauver les autres. Être paire aidante, c’est aider des personnes qui ont vécu des choses comparables à moi, tout en continuant à mieux me comprendre. Je contribue ainsi à les sauver. Tout autant qu’ils contribuent à me sauver. C’est le meilleur des deux mondes!

– Kim

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