À la rencontre de Gringo


« J’ai senti que mon rétablissement dépendait de moi, de mon implication, de ma capacité à accepter d’aller au plus profond de mon être, d’en revenir avec les bons outils, pour être capable d’accueillir ma colère, d’accepter mon passé et d’admettre mes faiblesses. J’ai compris que c’est seulement de cette manière qu’on peut poursuivre son chemin : en se choisissant et en se pardonnant. »
Participer à une formation du Réseau de transition des vétérans (RTV), à titre de Para, a été pour moi une véritable révélation! Voir des frères d’arme s’ouvrir, accepter enfin leurs limites et pleurer de se sentir libéré, a suscité en moi des émotions et une intensité que je ne croyais même pas être capable de ressentir!
Chaque formation inclut le soutien de deux Paras, deux vétérans qui ont déjà vécu cette même formation. Le simple fait d’être passé par là, nous donne déjà une certaine écoute et une crédibilité auprès des participants. Le fait que nous soyons nous-mêmes des militaires ayant été formés de la même manière et ayant l’expérience de situations traumatisantes similaires à celles des participants, facilite aussi l’acceptation de notre présence parmi eux. Notre premier rôle consiste à accueillir chaleureusement les participants et à créer une atmosphère de confiance et de convivialité. De toutes les manières possibles, il nous faut aussi appuyer le travail des deux psychologues qui mènent l’exercice.
D’ailleurs, le simple fait d’obtenir la confiance d’un vétéran envers un psychologue est une victoire en soit. Un militaire est en quelque sorte formé pour se méfier des civils. Normalement, iI n’écoute l’avis que des autres militaires. Il faut aussi savoir que très souvent dans le passé, et parfois encore maintenant, un militaire ou un vétéran qui demande l’aide d’un psychologue peut avoir l’impression qu’il sera peut-être perçu comme une personne faible, ce qui risque de mettre en péril sa carrière. Dans ce contexte, il est normal que le recours à un tel spécialiste soit plus vu comme un danger à éviter, que comme une démarche salutaire et thérapeutique!

Une fois ce préjugé mis de côté, les deux psychologues et nous, les deux Paras, travaillons de concert pour permettre aux participants de profiter pleinement des bienfaits de la formation du RTV.
C’est exactement ce que j’ai vécu lorsque j’ai fait ma formation en tant que simple participant! J’ai eu la chance d’être pris en charge par une équipe extraordinaire. Les deux Paras sont d’ailleurs devenus des modèles dont je me suis inspiré quand j’ai eu à assumer ce rôle. J’ai tenté d’être aussi ouvert, sans préjugés, à l’écoute, authentique et sincère qu’eux. Je crois que j’ai réussi à éviter de tomber dans le piège de jouer une « game ». On ne peut pas faire ça avec les gars. Ça ne marche pas. Ils le sentent à un mille! J’ai donc décidé d’être moi-même, en étant réceptif, transparent et honnête. Ça a parfaitement fonctionné.

Pourtant, quand on regarde les blessures de mon enfance, de ma carrière militaire, de mes expériences personnelles, des moyens que j’ai utilisé pour anesthésier cette immense douleur, très peu de personnes, et même moi, n’auraient osé parier sur mes chances d’avoir les aptitudes pour devenir un Para! Pourtant, en tant que participant, dès les premières minutes de ma formation du RTV, j’ai compris, ou plutôt j’ai ressenti que j’y avais ma place.
J’ai senti que mon rétablissement dépendait de moi, de mon implication, de ma capacité à accepter d’aller au plus profond de mon être, d’en revenir avec les bons outils, pour être capable d’accueillir ma colère, d’accepter mon passé et d’admettre mes faiblesses. J’ai compris que c’est seulement de cette manière qu’on peut poursuivre son chemin : en se choisissant et en se pardonnant. Et, selon moi, c’est aussi la même démarche pour devenir un excellent Para!
